CHAPITRE XXXIII

Wedge activa sa radio au moment où l’escadron sortit de l’hyperespace pour préparer la seconde partie de leur voyage vers le système de Pyria. Il régla la puissance afin que le signal soit trop faible pour être audible au-delà de la zone d’un kilomètre où l’escadron se mouvait. La transmission était brouillée automatiquement, mais Wedge préférait prendre cette précaution supplémentaire.

— Ici Rogue Leader. Il y a un dernier point que vous devez connaître : il n’existe pas de système appelé Phenaru. Nous retournons à Lunenoire.

Personne ne fit de commentaires. Ses gars lui faisaient confiance, se dit Wedge.

— La simulation était valable. Mais la ceinture d’astéroïdes est en réalité une pluie de météores. Nous arriverons derrière la lune de la planète et nous filerons directement en direction de sa face obscure. La lune et la pluie de comètes devraient nous protéger des regards ennemis. Des questions ?

La voix de Bror retentit dans le haut-parleur.

— Commandant, vous voulez dire que nous aurons l’occasion d’affronter de nouveau les Bourdons qui nous ont échappé l’autre fois ?

J’avais plutôt l’impression que c’était nous qui leur avions échappé…

— Nous aurons des alliés dans la place, mais pas parmi les chasseurs. Notre mission est de détruire le conduit puis de filer. Les réserves de carburant sont identiques à celles du simulateur. Vitesse et coordonnées du deuxième vol envoyées. Nous sortirons de l’hyperespace à trois heures de notre destination. Profitez-en pour réviser l’opération prévue.

L’escadron passa en vitesse-lumière. Wedge vérifia le niveau de carburant. Parfait. Lors du trajet entre la lune et la surface de Borleias, il utiliserait le carburant du réservoir supplémentaire, larguant celui-ci après la fin de l’attaque. Les autres suivraient une procédure identique, le second et le troisième vols abandonnant leurs réservoirs extérieurs avant d’entrer dans la tranchée.

Wedge était sûr que ses pilotes parviendraient à détruire le tunnel. Cela permettrait à l’infanterie de s’infiltrer et de faire son travail avant l’arrivée des Défenseurs.

Ackbar ne lui avait pas révélé le minutage exact de l’opération. Il avait cependant mentionné que leur aide serait appréciée, impliquant que l’arrivée de l’infanterie suivrait de peu celle de l’Escadron Rogue. La seule assistance que pouvait lui apporter l’Escadron était d’éparpiller les chasseurs ennemis.

— Nous sommes compétents, nous avons l’entraînement et nous savons qu’il nous faut réussir à tout prix.

Wedge sourit et appela à l’écran une simulation visuelle de l’attaque.

— Avec un peu de chance et beaucoup de courage, rien ne nous arrêtera.

— Capitaine Celchu, vous devez me dire où ils sont. (Mirax agita un bloc-notes électronique sous ses yeux.) Je crois que la mission est compromise.

Tycho secoua la tête.

— Impossible.

— Les officiers de la sécurité qui montent la garde autour de vous m’ont dit qu’il était impossible de vous voir. Pourtant, je suis là.

— Il existe des degrés dans l’impossibilité… Je suis incapable de vous indiquer leur destination, car je l’ignore moi-même.

— Comment ? Vous êtes le second de l’unité. Vous devez le savoir.

— Désolé.

— Qui est au courant ?

— Ici ? M3.

— Faites-le venir.

— Madame Terrik, vous êtes une amie du commandant Antilles, et je sais qu’il vous apprécie beaucoup, mais…

— Écoutez, je ne serais pas ici si je ne croyais pas qu’ils vont se jeter dans un piège. Appelez le droïd. Je pense qu’il est impliqué. Je vous expliquerai quand il sera là. Si vous n’aimez pas mes explications, fichez-moi dehors et renvoyez-le à ses occupations. Mais je vous en prie, écoutez-moi. Je n’ai pas envie que nos amis meurent.

— D’accord. Asseyez-vous. (Tycho sortit un comlink de sa poche.) Capitaine Celchu à M3. Rejoins-moi dans mes quartiers. C’est urgent.

— Je viens, capitaine.

Mirax s’assit et posa son bloc-notes électronique sur la caisse de torpilles à protons qui faisait office de table basse.

— Avez-vous un holoprojecteur ?

— Non. Mais j’ai une bonne imagination. Allez-y.

— Après leur départ, j’ai demandé à mon pilote de se procurer auprès de M3 une liste des marchandises à l’achat et la vente. La plupart sont des articles militaires et quelques trucs du marché noir. Il y avait aussi un certain nombre de produits nouveaux, tous originaires d’Alderaan. Ils sont devenus rares depuis quatre ou cinq ans. Pourtant, leur prix de vente est ridiculement bas.

— Mais ils ne sont plus fabriqués, et pour cause…

— Exact. De plus, aucun d’eux n’est accompagné d’un prix d’achat. J’en ai déduit que M3 a trouvé une source où il les obtient pour presque rien. Étant donné que personne n’a récemment découvert de stocks de produits alderaaniens, l’explication est simple : le droïd pense qu’il pourra bientôt s’approvisionner gratuitement.

— Je vois comment vous arrivez à cette déduction, mais…

— Une rumeur court depuis un certain temps. Il y aurait une nouvelle source de marchandises alderaaniennes au prix très élevé. À mon avis, l’Empire vend ses stocks aux expatriés alderaaniens, à la fois pour faire du profit et pour priver la Rébellion des sommes correspondantes. Si cette source existe, il y a fort à parier qu’elle se trouve là où se dirige l’Escadron Rogue.

— L’Empire sait que ce site serait une cible rêvée pour l’Alliance, donc un endroit idéal pour nous tendre un piège. Ça semble mal parti, n’est-ce pas ?

— J’ai acheté tous les articles proposés par M3, et bloqué l’accès à la liste. Que je sache, personne d’autre n’est au courant. La fuite a dû s’arrêter là.

— Mais il reste une possibilité que l’information ait été divulguée…

— Exactement.

Mirax se leva quand M3 arriva.

— Bonjour, capitaine Celchu. Madame Terrik… Que puis-je faire pour vous ?

— Me dire où va l’Escadron Rogue.

— Je suis désolé, c’est une information secrète.

— M3, la liste que tu m’as transmise ce matin est déjà révélatrice…

Tycho se leva.

— D’où tiens-tu ces marchandises alderaaniennes ?

Le droïd sursauta et le timbre de sa voix changea.

— Si je révèle mes sources, vous voudrez une partie des bénéfices. Pas question !

Mirax regarda le droïd.

— Je n’arrive pas à en croire mes oreilles, dit-elle à Tycho.

— Moi non plus.

— Je veux seulement protéger ma marge, ajouta M3.

— M3, tais-toi, lança soudain Tycho.

Le droïd le regarda bizarrement, la tête inclinée.

— Je ne disais rien, monsieur.

— Sa voix a changé.

— J’ai remarqué. M3, tais-toi.

— Je vous demande pardon, monsieur ?

— Tais-toi.

Les bras du droïd tombèrent le long de son corps. Il inclina la tête et ne bougea plus. Un voyant rouge clignota sur sa nuque.

— Que se passe-t-il, capitaine ?

— Je n’en suis pas sûr. Il semble que le droïd se mette en état de veille quand on lui dit « tais-toi » trois fois de suite. J’ai découvert ça par hasard lors du voyage vers Talasea. Il m’exaspérait, et je lui ai crié de se taire plusieurs fois. La troisième, mon vœu a été exaucé. Tant que nous n’appuierons pas sur le bouton rouge, il restera comme ça : une sorte de télécommande géante ayant accès à toutes les banques de données de M3.

— Fichtrement dangereux pour un droïd militaire.

— Oui. Et il y a d’autres choses bizarres à son sujet. Par exemple, la façon dont sa voix change quand on lui pose des questions sur la liste de réquisitions. Pour le moment, je pense que cette petite astuce nous permettra d’obtenir les renseignements souhaités. M3, je veux le nom du système où va l’Escadron Rogue.

— Système de Pyria, vers la quatrième planète, Borleias, où se trouvent une base impériale et des usines abandonnées. (La voix du droïd se modifia.) C’est là que des installations agro-alimentaires fabriquent des produits agricoles alderaaniens précieux.

— Combien de personnes ont eu accès à ta liste, M3 ? demanda Mirax.

— Seulement vous, madame Terrik.

— Un pirate informatique aurait-il pu la consulter sans que tu le saches ?

— Impossible de répondre à la question, dit le droïd après une pause.

Mirax regarda Tycho.

— L’Empire a peut-être été prévenu. Nous devons faire quelque chose.

— Quoi ? Un message risque d’alerter les Impériaux s’ils ne sont pas déjà au courant.

— Il faut y aller. Je peux nous y conduire rapidement. Peut-être avant l’arrivée de nos amis.

— Dans ce cas, notre présence risque de prévenir l’ennemi du raid. Et tout message sur l’intercom peut être intercepté. Non, ça ne fera pas l’affaire…

Mirax ferma les poings.

— Nous devons faire quelque chose !

— Oui, mais il faut que ce soit bien réfléchi… (Tycho sourit et tendit la main vers le bouton rouge du droïd.) Je crois que j’ai une idée…